Solitude
Il me fallait cette solitude là. Une solitude qui donne un sentiment de presque toute puissance: celle d'arrêter le temps.
Pendant que l'on est seul, on n'est à personne, on n'est ni un dû ni un devoir, ni une charge ni un cadeau. On cesse d'être en relation avec tous les autres, on est seul avec soi-même et que quelqu'un pense à vous ou non, cela ne change rien: pendant ce temps là, il n'y a aucun compte à rendre sur ce que l'on est, ce que l'on fait, ce que l'on ressent. On est libre de pleurer, de réfléchir, de rire, de se laisser aller à soi, de piquer un chocolat comme une voleuse en se disant que même si personne n'est là il y a peut-être quand même quelqu'un qui vous regarde, qu'il soit d'ici ou d'ailleurs. D'ailleurs, on pense à ceux qui sont partis, on se dit que c'est trop brusque, alors que peut-être il est là, à me regarder. Ou peut-être pas.
La fatigue m'a emportée, elle est venue s'abattre comme une invitée imprévue. Il fallait dormir pour que le temps à penser ne soit pas trop long. Et les rêves s'occupent de vous faire passer les messages qui rôdent et que l'on ne souhaite pas déterrer de son plein gré pour la centième fois.
J'ai parlé au chat, je lui ai dit ce qui me passait par la tête, des choses gaies, tristes, mélancoliques, des questions, des réponses, tout ce qui traînait au fond de mon coeur. Pendant tout ce temps, elle s'est endormie, s'est réveillée, a baillé, a lu dans mon âme avec ses yeux verts intenses, elle est allée manger, puis elle est venue s'asseoir contre moi, s'est rendormie, a ronronné. Une tranquillité infinie et permanente dont je serai jalouse jusqu'à ma mort.
Il s'est passé trop de choses, trop de bourrasques, trop de vents violents et c'est encore sonnée qu'il a fallu que je m'arrête pour reprendre mon équilibre. J'ai remis de l'ordre dans mes idées, j'ai fait le tri de mes devoirs, de mes projets, de mes envies et de mes peurs. Il en reste tellement que j'ai discrètement tassés sous la pile, derrière un meuble, sous un tiroir. On verra plus tard.
- Je ne guérirai jamais.
- C'est vrai, vous ne guérirez jamais. Parce que vous n'êtes pas malade. Vous êtes juste en transition et certaines transitions sont douloureuses.
En transition.
On va dire ça comme ça, alors.