Au boulot
Il y a quelques jours, je parlais de la mission qui m'a été donnée de "nous" débarrasser, dans ma boîte, d'un incompétent. Quelques unes me conseillaient de ne pas traîner, d'autres comme Philemon me recommandait de faire les choses avec humanité.
Quelle est la suite?
La suite, c'est qu'après le fameux rendez-vous où ma mission a été posée, j'ai pris le temps de réfléchir, d'organiser les choses dans ma tête. Licencier quelqu'un qui ne remplit pas sa part du contrat ne me pose pas de problème en soi, tant que l'incompétence est prouvée et que les moyens nécessaires ont été donnés à cette personne pour exécuter sa tâche, sinon ce n'est pas juste.
J'ai monté un dossier, rassemblé les preuves, il y en avait beaucoup, j'ai cherché des circonstances atténuantes et en ai trouvé très peu, mais quelques unes quand même qui me permettait de gagner du temps. Etrange sensation que celle d'être rassurée par tout cela, car j'étais peut-être en train de faire le sale boulot, mais au moins on ne me demandait pas de dégager quelqu'un pour de mauvaises raisons.
J'ai revu le chef ressources humaines (en tête à tête et non plus seule contre deux), et je lui ai dit d'accord. Il a paru largement soulagé et m'a répondu "tu as carte blanche". Non, justement il était hors de question que j'aie carte blanche. Je lui ai dit que je voulais le procédé honnête et légal. Il a paru surpris, et à son étonnement j'ai répondu que les craquages pour harcèlement moral étaient peut-être la méthode la plus utilisée chez nous mais qu'elle ne serait pas la mienne. Il n'a même pas contesté.
"Mais alors comment tu comptes t'y prendre?". Tout était dit.
Ca n'a pas été simple. Je l'ai convoqué, lui ai dit que ce qu'il allait entendre n'allait pas lui plaire mais que j'avais suffisamment d'éléments pour que les choses soient graves. Pendant une heure, j'ai eu l'impression de le fusiller avec cordialité, respect, mais je l'ai fusillé quand même. J'ai évité l'empathie, j'ai favorisé le factuel. Des faits, encore des faits. As-tu quelque chose à dire? Non, je crois que c'est clair.
Etant donné le dossier, le virer sur le champ aurait été une erreur de notre part car la loi oblige qu'il y ait un avertissement préalable.
Tout ce que j'avais à lui dire, c'était qu'il serait mis à l'épreuve pendant deux mois (j'ai gagné un mois grâce à Noël, comme quoi, ça a du bon parfois).
"Je ne suis pas là pour te regarder couler, on va mettre en place un plan pour que tu corriges ce qui ne va pas, mon rôle est de t'aider, mais c'est toi qui a les clés et il ne te reste pas beaucoup de temps".
Il m'a remerciée d'avoir été franche, a ajouté qu'il ferait tout pour progresser et me prouver que nous avions raison de lui laisser une chance. A cet instant, j'ai eu l'impression qu'il était un futur décapité se rattachant à l'idée que la guillotine en suspens n'était toujours pas tombée.
Je ne sais pas qui est ressortie le plus abattu de ce rendez-vous. Le boulot était fait. L'un comme l'autre avons deux mois de répit. Et après?