La vie est un combat
Je déteste le métro, je déteste les gens, et je déteste encore plus les gens dans le métro.
La politesse est un art de vivre, mais la politesse dans le métro est une aberration, faut croire.
L'autre jour, "avarie technique", on est en tête de ligne, première station et le train est déjà bondé. Je crois être miraculée en tombant sur le seul siège vide que j'accapare (vous avez remarqué, parfois, les gens laissent un siège vide, comme s'il était maudit, et il y en a toujours un pour loucher dessus en se demandant où est le problème, parce que si les autres préfèrent être debout, c'est qu'il y a forcément un problème; du coup, c'est la spirale, et dans une logique de moutons qui se suivent le loucheur finit par rester debout, en se disant peut-être qu'un chewing gum invisible pourrait venir se coller à son cul). En ce qui me concerne, un regard rapide me dit qu'il n'y a ni pisse ni autre truc bizarre, je m'asseois sans demander mon reste. Dans mon carré de voyageurs, un grand gars baraqué, une ado aux oreilles colmatées par un iPod, et une quinquagénaire moyennement fraîche.
Deux stations plus loin, j'entends un mioche à côté de moi qui se plaint parce qu'il ne peut pas respirer (évidemment, à trois ans, tu arrives aux genoux de tout le monde, et quand il y a foule, tout le monde se fout bien de ce qu'il se passe à hauteur des genoux). L'ado iPodée se met à regarder par la fenêtre, le gars baraqué ferme les yeux genre "je dors", et la cinquantenaire sort un méga mouchoir style "attention grippe". Bref, tout le monde a une bonne raison de ne pas proposer sa place. En bonne poire citoyenne et responsable, je me tourne vers la maman, propose ma place qu'elle accepte avec tout petit merci (je l'ai peut-être inventé pour garder mon calme). Je me lève, la quinquagénaire se réveille "Ah bin je descends". Deux sièges se libèrent. Au lieu de n'en prendre qu'un en mettant son morveux de gosse sur les genoux, la conne de mère utilise les deux et fait signe à un immense mec de se rapprocher (immense voulant dire que je me retrouve de force sous une aisselle qui schmoute).
Station suivante, le carré d'en face bouge, une place est libre. Je m'apprête à m'asseoir avec la légitimité rayonnante de la fille sympa qui a cédé son siège. Une grosse bonne femme me mutile m'attrape le bras et m'engueule dans une langue inconnue. Le coin de banquette revient visiblement de droit à une autre grosse bonne femme fripée qui me marche dessus et pose son derrière épais. Elle est vieille, de toute façon, sur un plan symbolique, elle mérite la place même si le procédé me donne mal aux gencives.
Grande station en perspective, va y avoir du mouvement. Gagné, je saute vaille que vaille sur la place de la mère égoïste qui s'en va. Quand arrive une boule qui me regarde d'un air suspicieux et se met à soupirer en se tenant le bide. Tout ça, c'est du gras, elle va pas se faire passer pour une femme enceinte, je suis pas totalement con, hein. Elle finit par lâcher un "quelqu'un pourrait il me laisser son siège?" sur le ton de la fille en train de mourir du choléra. Je regarde l'ado autiste et le gars baraqué (qui s'est réveillé mais pris au dépourvu n'a pas eu le temps de retomber dans un coma express), lance un "perso, j'ai déjà donné, la politesse voudrait que ce soit un homme ou un plus jeune qui vous cède sa place".
En deux secondes et demie, je suis passée pour:
- une conne de féministe (par l'armoire à glace à l'air pas très cool)
- une conne de vieille (par l'ado boutonneuse et sourde)
- une conne de mal polie (par la mytho bourrelettée)
Quant à la politesse, elle s'est coincée les doigts dans les portes automatiques, car personne n'a répondu.
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